En avril 2024, la lutte contre la consommation de kush est élevée au rang d’urgence nationale par les gouvernements du Libéria et de Sierra Leone, deux pays voisins où cette drogue est fortement présente. Février 2025, du fait des ravages constatés en Afrique de l’Ouest, des milliers de personnes en sont « probablement » décédés dont une majorité en Sierra Leone, épicentre désigné de cette nouvelle addiction. La révélation émane du rapport conjoint de l’Initiative mondiale contre la criminalité organisée transfrontalière (GI-TOC) et de l’institut Clingendael intitulé « Kush en Sierra Leone : Le défi croissant des drogues synthétiques en Afrique de l'Ouest ».
Les conséquences sanitaires de la consommation de kush sont sans appel. Selon l’étude, « l’analyse chimique (de la substance) a révélé que plus de 50% des échantillons contiennent des nitazènes, un opioïde synthétique très addictif et mortel comparable au fentanyl, tandis que l’autre moitié contient des cannabinoïdes synthétiques. »
En France, les nitazènes sont interdits de production et de vente par l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) depuis juillet 2024. Ils sont inscrits sur la liste des stupéfiants en raison de leur dangerosité et de leur puissance dans un contexte ou deux morts avaient été recensés.
Après la Sierra Leone puis le Libéria, le kush s’est répandu dans d’autres pays comme la Guinée, la Gambie, le Sénégal et la Guinée-Bissau. Mais il faut regarder ailleurs pour retrouver les grands fournisseurs qui alimentent ces marchés ouest-africains, souligne le document. La Chine, les Pays-Bas et le Royaume-Uni apparaissent comme les points de départ concernant certaines substances contenues dans le kush.
« Les recherches sur les chaînes d’approvisionnement et les itinéraires de trafic ont révélé que certaines substances sont importées par voie maritime et par des services de courrier postal », précise le rapport.
Pour le Dr Kars de Bruijne, en charge du programme Afrique de l’Ouest et Sahel à l’Institut Clingendael, les trois pays cités plus haut « ont une part de responsabilité dans la crise du kush et dans les dommages causés à la population de Sierra Leone et, plus généralement, de l’Afrique de l’Ouest. »
Autrefois centralisé et sous contrôle d’importants groupes criminels, le marché du kush se fragmente pour s’agrandir de manière plus horizontale avec « des acteurs plus petits ». Ceux-ci, plus proches des consommateurs, mettent en place des réseaux de distribution plus légers et mieux adaptés à un écoulement rapide de grandes quantités de drogue.
La filière criminelle du kush en Afrique met en scène divers intervenants ayant chacun un rôle précis dans la commercialisation de la drogue. Avec le « nombre croissant de propriétaires de lieux de consommation », s’activent des intermédiaires appelés locks qui servent de tampon entre propriétaires et marchés locaux, mais aussi des importateurs, des spécialistes du mélange des ingrédients composant la kush, de distributeurs et de détaillants.
Dans ce système, les marges bénéficiaires et les revenus sont proportionnels aux rôles de chaque entité dans le processus de fabrication et de vente de la drogue.
« L’afflux de de drogues synthétiques bon marché, addictives et très nocives dans une région où les systèmes de santé sont mal préparés et où la population est très jeune est un signe clair de l’émergence d’un problème de drogue durable dans la région », avertit Lucia Bird, directrice de l’Observatoire des économies illicites en Afrique de l’Ouest de GI-TOC.
A cet égard, une action « coordonnée et urgente » des pouvoirs publics ouest-africains est fortement recommandée par GI-TOC et Clingendael pour « perturber » les chaînes d’approvisionnement du kush dans lesquelles les groupes criminels ont pu placer des agents publics qui travailleraient pour eux.
La surveillance des colis postaux en provenance notamment de Chine, des Pays-Bas et du Royaume-Uni, le renforcement des contrôles aux frontières maritimes et aériennes et le partage d’informations entre services spécialisés de pays ouest-africains sont recommandés par le rapport.